Un banc de méduses en suspens, des migrant·es entassé·es sur un radeau de fortune en mer tourmentée, les passagers et passagères d’un voilier solitaire qui profitent du spectacle du coucher de soleil, ce sont là trois scènes qui se juxtaposent dans Vertigo Sea (2015), une installation vidéo de l’artiste britanno-ghanéen John Akomfrah. L’œuvre de 48 minutes se déploie sur trois écrans imposants qui enveloppent la pièce ; une ambiance sonore complète cette immersion. Les vidéos, ponctuées de références aux canons de l’histoire de l’art, comme Le voyageur contemplant une mer de nuages (1818) du peintre romantique prussien Caspar David Friedrich, sont accompagnées de citations de Herman Melville, de Virginia Woolf, de Heathcote Williams et de Ralph Waldo Emerson qui rappellent que l’eau regorge de merveilles sous-marines, mais qu’elle a également volé de nombreuses vies, notamment celles de personnes asservies et de migrant·es. Elle est un lieu de mystères, d’émerveillement et de conquêtes. L’installation Typhoon Coming On (2018), de l’artiste afro-étatsunienne Sondra Perry, joue sur une ambigüité similaire. Référence explicite à la peinture The Slave Ship1 (1840) du peintre britannique William Turner, Typhoon Coming Onrevisite le massacre du Zong (1781) en projetant la vidéo monumentale d’une eau huileuse. À l’aide de l’outil « Ocean Modifier » de Blender, un logiciel à code source ouvert, l’artiste échantillonne, manipule et transforme l’eau déchainée puisée dans la peinture de Turner. Périodiquement, l’animation de la mer prend des teintes violacées et perd sa texture.
Beaudin-Quintin, Chélanie. Dubé, Joëlle. “Vertigo Sea et Typhoon Coming On, récits obliques d’un sublime aquatique.” Esse: Water n° 109 (Septembre 2023).